Une Conférence de Christian Delorme sur Martin Luther King

Une Conférence de Christian Delorme sur Martin Luther King

Le 18 septembre dernier, le Père Christian Delorme, curé de la paroisse Saint-Romain à Caluire et grand ami de notre communauté, est venu nous parler de Martin Luther King : « Un Prophète pour aujourd’hui ». Cette causerie faisait évidemment écho au cinquantième anniversaire de l’assassinat du pasteur baptiste, le 4 avril 1968 à Memphis (Tennessee).

Le P. Christian Delorme était vraiment l’homme de la situation pour nous parler de « MLK » ! D’abord en raison de sa longue fréquentation de l’œuvre et de la personnalité de l’apôtre de la non-violence aux États-Unis : à 14 ans déjà, Christian était allé (avec 5000 autres personnes !) écouter MLK à la Bourse du travail, lors de la venue de celui-ci à Lyon, en mars 1966 !
Plus tard, il a correspondu avec lui et suivi avec passion tout son cheminement. L’exposition qui avait été organisée à la Bibliothèque Municipale de la Part-Dieu au printemps dernier avait beaucoup emprunté à son fonds documentaire. Ajoutons un élément que sa modestie lui a interdit de mentionner : Christian Delorme s’est comporté en vrai disciple de MLK lorsque, pendant l’hiver 1983, il avait été à l’origine — avec le Pasteur Jean Costil de la Cimade — de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme » (dite « Marche des beurs ») pour protester de façon non violente contre le climat de racisme agressif qui s’était établi en France – notamment dans la banlieue lyonnaise.

En retraçant, au début de sa conférence, « l’Iti-néraire » de Martin Luther King, Christian Delorme s’est employé à déboulonner un certain nombre d’idées reçues et de clichés. MLK n’était pas un tribun issu du milieu populaire ! Sa famille faisait partie de la petite bourgeoisie noire. Son père, pasteur baptiste lui aussi, était une sorte de notable local, plutôt conservateur et qui a voté « républicain » jusqu’à ce que son fils reçoive un accueil enthousiaste de la part du Président Kennedy ! Bien souvent, on ignore aussi que MLK était un très brillant intellectuel qui avait songé à une carrière universitaire avant de choisir la vocation pastorale, par goût du service. Souvent, on minimise également l’influence de son épouse Coretta Scott dans son engagement au profit de l’égalité raciale. On méconnaît enfin sa sensibilité, une certaine fragilité psychique qui ne rend que plus méritoire le courage de ses engagements !
En fait, c’est le mouvement de boycott des transports en commun de Montgomery en décembre 1955 qui le met en avant, en révélant son talent oratoire exceptionnel (servi par une magnifique voix de baryton !). Un talent qui lui donne audience bien au-delà des limites de sa paroisse et de son Église baptiste. Sa notoriété se répand rapidement dans tous les États américains et au-delà des frontières !

Dans la deuxième partie de son exposé, Christian Delorme a présenté la dimension spirituelle de MLK (Perspective qu’il a magnifiquement développée dans son beau livre : Prier quinze jours avec Martin Luther King aux Éditions Nouvelle Cité : encore un détail que sa modestie lui a fait passer sous silence !) Avant tout prédicateur, MLK est un « homme de la Bible », familier des prophètes qui défendent les pauvres et les exclus : Osée, Amos, Jérémie. On l’a parfois qualifié lui-même de « Moïse noir » qui libère son peuple ! Mais c’est aussi un homme de prière qui a connu, en janvier 1966, une véritable expérience mystique, fondatrice de toute son action : certitude que Dieu serait toujours à ses côtés et que son engagement social répondait à un véritable appel… Mais il a vite pris conscience également qu’il pouvait être assassiné à tout instant.

Enfin, pour conclure sa présentation, Christian Delorme s’est interrogé sur « ce qui reste aujourd’hui de Martin Luther King ». Assurément, dans les dernières années de sa vie, MLK a pu se réjouir de voir la fin de la ségrégation légale aux U.S.A. sous la présidence de Lyndon Johnson ; mais il a été confronté dans le même temps à la Guerre du Viêt-nam qu’il a combattue avec la dernière énergie. Sans doute a-t-il été dérouté par l’émergence de mouvements de lutte contre le racisme et l’injustice aux États-Unis, fort éloignés de la Non-Violence. En tout cas, c’est un homme épuisé, prématurément usé, qui est assassiné à Memphis, à l’âge de 39 ans.
On pourrait dire que, grâce à son engagement et à ses écrits, MLK a réintroduit la fonction prophétique dans les Églises chrétiennes ; qu’il a rappelé celles-ci à leur devoir de lutter activement pour la justice et la réconciliation des humains – mais toujours avec les armes de la Non-Violence.
En rentrant à la maison, après la conférence de Christian Delorme, un vieux souvenir m’est revenu : à la fin des années 1960, le romancier Gilbert Cesbron m’avait dit un jour, à la façon du vieux Syméon (Luc 2, 29) : « Maintenant, je peux mourir en paix : j’ai vu par deux fois la Non-Violence triompher dans le monde : avec Gandhi aux Indes ; avec Martin Luther King aux États-Unis ! »

Michel Barlow

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