Promenade à Ferney-Voltaire et à Coppet-Madame de Staël
Le samedi 8 septembre dernier, une vingtaine d’entre nous a fait une belle promenade « paroissiale » en covoiturage, à Ferney-Voltaire et à Coppet qui mériterait effectivement d’être appelé « Coppet-Madame de Staël » !
On pourrait s’étonner d’un tel « pèlerinage » ! Assurément, Voltaire n’est pas un « Père de l’Église » et il a eu maille à partir avec les pasteurs de Genève toute proche qui s’inquiétaient de le voir inoculer le goût du théâtre à la vertueuse cité de Calvin ! (Mais qui lit encore aujourd’hui le théâtre de Voltaire ?!)
En revanche, on se retrouve volontiers dans les écrits et les actions en faveur de la tolérance de
Monsieur de Voltaire (il venait d’acheter un domaine et le titre nobiliaire qui lui était assorti !) Personnellement je ne verrais aucune objection à ce qu’on reprenne au cours d’un culte la belle « Prière à Dieu » de son Traité de la Tolérance !
Nous avons longuement visité, sous la conduite d’une intéressante guide-conférencière, le château de Voltaire à Ferney, récemment rénové. Puis, nous avons flâné dans le magnifique parc qui entoure la bâtisse. Avec un regard étonné sur l’église du village reconstruite par Voltaire et dont la dédicace avait choqué en son temps, parce qu’elle établissait un lien direct entre le donateur et Dieu, en faisant l’économie du clergé et de l’Église institution- nelle… Mais ce n’est pas pour déplaire aux huguenots !
Sur la façade de l’église : « Voltaire l’a construite pour Dieu, 1761 »
À midi, nous avons été très chaleureusement accueillis par la paroisse de Ferney (dont Bernard Millet avait la charge avant de venir parmi nous). Puis nous avons exploré à pied le bourg de Ferney auquel le patriarche Voltaire avait apporté la prospérité et l’architecture porte encore la trace de ce passé prestigieux.
L’après-midi, nous nous sommes rendus à Coppet, une petite bourgade, à une quinzaine de kilomètres de Genève, au bord du lac Léman. Ses jolies maisons du XVIe siècle ont été construites peu après l’invasion du canton par les troupes bernoises : rallié à la Réforme dès 1528, le canton de Berne s’était porté au secours de Genève menacée par les armées catholiques et dans son élan, avait conquis tout le canton de Vaud !
La gloire de Coppet, c’est le somptueux château qui se dresse aux confins du village. C’était la propriété de Jacques Necker, le ministre des Finances de Louis XVI. Mais le bâtiment est surtout réputé pour avoir été la résidence de sa fille Germaine, épouse du baron suédois Magnus de Staël (1766-1817). Madame de Staël tenait salon dans son château, et les plus illustres écrivains de son temps – Benjamin Constant, Madame Récamier, le philosophe allemand Schlegel et bien d’autres – venaient converser autour d’elle, et surtout l’écouter, car sa vive intelligence et son éloquence étincelante dominaient les échanges.
Dans ses essais et même ses romans, Madame de Staël formule des idées intéressantes et fort novatrices sur la société, la religion, la politique. Elle est d’autant plus sévère pour Napoléon 1er qu’il a représenté pour elle un espoir sévèrement déçu : le grand libérateur des peuples dont elle rêvait s’est révélé un traîneur de sabre despotique, imperméable aux arts et à la culture et surtout très susceptible devant toute velléité de critique. Il l’a contrainte plus d’une fois à l’exil ou à une résidence forcée à Coppet.
Il était fort émouvant de visiter le décor où Madame de Staël a vécu – et notamment la gigantesque bibliothèque où elle recevait ses amis… et admirateurs ! Un simple regret (souci d’érudition ou amour de l’Église protestante ?) : qu’on n’ait dit mot de son fils aîné Auguste de Staël-Holstein (1789-1827) qui a eu un rôle important dans la renaissance du protestantisme en France au XIXe siècle : il a contribué à la création de la Société des missions de Paris et à la Société biblique de Paris, en n’hésitant pas à faire du porte-à-porte pour la bonne cause ! Et surtout, en digne fils de sa mère, il a lutté contre l’esclavage dans les colonies françaises, en créant la Société de la Morale chrétienne à laquelle ont adhéré Tocqueville, Thiers et Lamartine !
En tout cas, un grand merci pour les organisateurs de cette belle journée : Olivier Chareire avait même pensé à indiquer la température qui nous attendait ! Un grand merci également aux conductrices et conducteurs !
Michel Barlow
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